Des enseignants dénoncent la charge supplémentaire

Depuis septembre, les professeurs doivent enseigner la sexualité à leurs élèves. Bien qu’ils estiment que c’est une bonne idée d’en informer les jeunes, ils préféreraient que la tâche ne repose pas sur leurs épaules.

Les syndicats de l’enseignement dénoncent en leur nom le fait que ce contenu ajoute une charge supplémentaire aux professeurs. De plus, la sexualité étant un sujet délicat à aborder avec certains jeunes, les enseignants ne sont pas outillés pour faire face à certaines situations.

« Ça ajoute une tâche encore aux mêmes personnes. Ça peut paraître mineur pour certains, mais l’ajout de plein de petites choses fait que la tâche devient plus importante. Même sans l’ajout de l’éducation à la sexualité, ils étaient surchargés », souligne Richard Bisson, vice-président au syndicat de Champlain, qui représente les enseignants de la Commission scolaire des Patriotes (CSP)

Il trace également un lien entre cette surcharge de travail et la pénurie d’enseignants. « La profession n’est plus aussi attractive », dit-il.

Il ajoute que l’implantation dans les différentes commissions scolaires ne s’est pas faite uniformément. « À des Patriotes, on a la chance d’avoir accès à une sexologue », mentionne le M. Bisson.

Le syndicat de l’enseignement du Haut-Richelieu, qui représente les enseignants de la Commission scolaire des Hautes-Rivières, estime que tout ce qui avait été promis par le ministère ne s’est pas concrétisé et que ce sont les professeurs qui ont hérité de cette tâche.

« On nous a seulement dit où fouiller pour trouver l’information, indique Ysabel Racine, agente d’information au syndicat. Ce sont les enseignants qui doivent faire le travail de monter les activités et ensuite de les partager. On se retrouve avec une surcharge de travail de dix ou quinze heures à faire sans les outils. »

« La sexualité est un sujet déstabilisant. Les enseignants aimeraient avoir des trucs pour l’enseigner de façon ludique et éviter que ça dégénère », ajoute-t-elle.

Cet ajout de contenu pédagogique implique que d’autres informations doivent être mises de côté. « Il faut voir ce que l’on devra tasser pour le mettre à l’horaire », mentionne-t-elle.

« La sexualité est un sujet déstabilisant. Les enseignants aimeraient avoir des trucs pour l’enseigner de façon ludique et éviter que ça dégénère. » – Ysabel Racine

Sujets délicats

Les représentants des syndicats ont également mentionné que la sexualité était un sujet délicat pour les enseignants, qui doivent l’introduire dès la maternelle. « Parler d’abus sexuel entraîne un malaise chez certains et on ne sait pas comment ça peut être reçu », indique Mme Racine.

« Les enfants de la classe n’ont pas tous la même situation familiale. Certains peuvent avoir subi des abus. Que doivent faire les enseignants si un enfant réagit au contenu? », questionne M. Bisson.

Il ajoute que la situation est encore plus délicate pour les enseignants masculins. « On ne doit plus toucher aux élèves et il faut choisir nos mots pour éviter qu’un comportement soit mal interprété. L’éducation à la sexualité en met certains dans une position de vulnérabilité », dit-il.

De plus, M. Bisson souligne que le contenu a été ajouté à la CSP uniquement en janvier plutôt qu’en septembre. « Ce n’est pas par mauvaise volonté. Avant de parler de termes qui pourraient être polémiques, on voulait avancer prudemment », affirme le vice-président.

Les représentants soutiennent que des parents pourraient ne pas être en accord avec ce qui est présenté ou que l’information pourrait être mal interprétée.

La décision du ministre de l’Éducation de l’époque, Sébastien Proulx, d’ajouter ce contenu, faisait suite au mouvement #moiaussi ou #metoo.

Ministère

Au ministère de l’Éducation, on affirme avoir offert tous les outils et les formations nécessaires pour présenter ce contenu. Des personnes responsables de l’éducation à la sexualité dans les commissions scolaires ont reçu une formation de deux jours et elles sont chargées de transmettre l’information, de soutenir et d’accompagner les écoles dans la diffusion de cette information.

Bryan St-Louis, directeur des communications du ministère, précise qu’une équipe offre quotidiennement un accompagnement aux personnes qui ont suivi la formation.

Le ministère a aussi mis à la disposition une plate-forme Web contenant des documents et des outils, dont 39 canevas pédagogiques. Une personne ressource a aussi été embauchée en août 2018, dont le mandat est entre autres de créer des ressources pédagogiques sur ce sujet et de faire des formations en ligne. Cependant, Mme Racine mentionne que la plate-forme ne supporte pas le nombre d’utilisateurs, donc n’est pas accessible.

M. St-Louis ajoute que le réseau de la santé et des services sociaux peut aussi contribuer. Le ministère a également conclu une entente avec Tel-Jeunes pour donner des formations sur le sujet.

Le directeur des communications rappelle qu’il s’agit de la première année de déploiement.