Chronique : le sergent qui n’est pas resté
On parle souvent des soldats du régiment de Carignan-Salières venus en 1665 défendre la Nouvelle-France. Environ 400 ont choisi de rester ici et de fonder une famille. Certains officiers, comme Jacques de Chambly, ont reçu des seigneuries et certains de leurs soldats se sont établis sur ces terres. Jean Bessette dit Brisetout est l’un des 15 soldats qui s’établissent sur les terres de M. de Chambly.
Plusieurs centaines de leurs camarades repassent pourtant en France en 1668. Ils ont laissé peu de traces ici. Un document conservé à Pointe-à-Callière, Cité d’archéologie et d’histoire de Montréal, nous permet d’en découvrir un qui a séjourné à Chambly.
Né à Fouquebrune, près d’Angoulême, en 1638, André Guitard dit La Cour s’enrôle à 14 ans dans le régiment d’Estrades. En juin 1655, au siège de Castillon en Espagne, son mousquet explose, le blessant au bras gauche; sa main sera éventuellement amputée. Il reçoit un coup de sabre à la tête lors de l’assaut sur Solsonne, ville espagnole. Deux ans plus tard, en Italie, un éclat de grenade lui transperce la main droite. Il est sergent dans la compagnie du capitaine Abraham de Maximy lorsque cette compagnie est incorporée au régiment de Carignan-Salières qui part pour le Canada en mai 1665.
Âgé de 27 ans, il débarque du navire La Paix, à Québec, le 19 août 1665. Il participe vraisemblablement à l’expédition contre les Iroquois à l’hiver 1666. En mai 1668, on le retrouve à Chambly au fort Saint-Louis lors d’une cérémonie de confirmation. Guitard quitte Québec vers le 15 octobre en compagnie de plusieurs centaines de ses camarades. Le certificat conservé à Montréal, écrit en 1676, le qualifie de » brave et fidèle soldat » qui » est allé partout faire son devoir et servi[r] fidèlement Sa Majesté » au Canada.
De retour en France, Guitard continue son service dans le régiment du Perche comme sergent de la compagnie de Mazières pendant 23 ans avant d’être admis à l’Hôtel des Invalides en juin 1691 à l’âge de 53 ans. Il s’éteint le 4 mars 1696 après une carrière militaire qui a duré 44 ans.
Ses blessures de guerre l’ont probablement empêché de devenir colon en Nouvelle-France comme ses camarades. Peut-être serait-il même demeuré à Chambly?