Chambly : quand manger devient une compulsion pour une outremangeuse

Les Outremangeurs anonymes ont tenu des réunions hebdomadaires à l’organisme chamblyen POSA/Source des Monts. Une outremangeuse issue de l’association raconte ce trouble.

Manon* est une outremangeuse compulsive. La femme de 65 ans fréquente les Outremangeurs (OA) anonymes depuis près de 25 ans. « Si je n’avais pas connu les OA, je ne serais pas ici pour t’en parler aujourd’hui », confie-t-elle au journal. Elle assiste hebdomadairement aux réunions de l’organisation. Cependant, tous les matins, elle est en contact avec des membres.

Obsession démesurée

Manon raconte que la nourriture « prenait toute la place », elle en était obsédée. « C’était plus fort que moi. Je voulais manger du matin au soir, fai m ou pas faim », convient la femme jadis envahie. Elle s’est gavée à en vomir. « Tu ne trouves pas ta satiété », établit-elle. 

Conséquences sur sa vie

Elle mentionne avoir été habitée d’impuissance, de honte, d’agressivité et de colère relativement à son trouble. Manon se sentait continuellement persécutée. « Quand j’entrais quelque part, j’avais l’impression que tout le monde me regardait », se souvient-elle. Elle souligne s’être empêchée de sortir.

Elle avoue avoir négligé des proches en raison de sa maladie. « Au pire de ma compulsion, j’avais hâte que ma fille s’en aille pour vider les armoires de cochonneries », affirme Manon. Elle soutient avoir jeté de la nourriture à la poubelle pour cesser de s’empiffrer. Cette nourriture, elle la récupérait toutefois du bac plus tard. 

Le déclic

Manon a déjà pesé 290 livres. Elle en pèse aujourd’hui 180. Elle a essayé toutes sortes de régimes.En 1998, consciente de son mal, Manon déclare avoir fait une dépression. « J’étais toujours au buffet. Je reprenais du poids. » Elle a pris connaissance de l’existence des OA. « À la première rencontre, j’ai braillé ma vie en constatant que je n’étais pas la seule, avoue-t-elle au journal en sanglotant. J’ai vu qu’une aide existait. Pour moi, c’était une question de vie ou de mort ». Émotive, elle met l’accent sur l’importance du sentiment d’unité que lui fait ressentir le groupe. « Mes meilleurs amis sont dans le mouvement. On a le même langage », considère-t-elle. 

Plan d’action

La mangeuse compulsive a établi des barèmes en fonction du nombre d’heures s’étant écoulées entre deux repas. « Si ça fait cinq heures que je n’ai pas mangé, c’est normal d’avoir faim », estime-t-elle. 

Manon a su intégrer davantage de nourriture saine dans son alimentation. Elle cuisine aussi, désormais. « Jusqu’à il y a quelques années, je n’aimais pas tellement cuisiner. Je n’achète plus de repas faits à l’épicerie. Je cuisine. Je sais ce qu’il y a dans mon assiette et la quantité », avance-t-elle. Elle était souvent portée à aller au restaurant. Elle se limite maintenant à pas plus de deux restaurants par semaine. 

Condition incurable

« Je ne serai jamais guérie. À la longue, la compulsion devient moins forte. Je ne dis pas que je n’en ai pas. C’est à vie, c’est chronique. Mais je dois vivre au moment présent », affronte avec lucidité Manon. Dans ce long parcours, elle admet avoir vécu des rechutes. S’il fut un temps où elle se pesait quotidiennement, ce n’est plus le cas maintenant. « Je ne l’utilise plus. Mon gabarit, c’est mon linge », définit Manon. Sa perte de poids l’a menée à avoir recours à des chirurgies esthétiques afin de retirer l’excédent adipeux. 

Elle termine sur ce regard positif qu’elle porte sur elle-même à ce jour. « C’est dur de déprogrammer la façon dont on se voit. Je m’accepte plus. Je m’aime plus. Ma vie a changé du tout au tout », souffle la femme, près du bassin de Chambly.

Les Outremangeurs anonymes

Outremangeurs anonymes est une association de personnes qui partagent leur expérience personnelle, leur force et leur espoir dans le but de se rétablir de la compulsion alimentaire et d’autres troubles en lien avec l’alimentation.

*Prénom fictif afin de préserver l’anonymat