Chambly : la vie en tant que malentendant
Le Chamblyen Jean-Guy Campeau est malentendant. Il a fait face à plusieurs obstacles au fil de sa vie en raison de cette condition.
Jean-Guy Campeau a reçu ses premiers appareils auditifs à l’âge de 16 ans seulement. Il a dû se débrouiller sans ceux-ci durant tout son primaire ainsi qu’une bonne partie de son secondaire. Ses parents n’avaient pas les moyens financiers pour lui en payer. « Oh, boy! Ça a été l’enfer! J’en ai connu, de l’intimidation », illustre-t-il tout simplement. Pour pallier ce désagrément, il avoue sans pudeur avoir déjà triché au primaire à un certain moment. « Je n’ai aucun regret, j’ai réussi ma vie et je paie mes impôts. »
« J’ai eu une meilleure compréhension de la vie. J’ai développé beaucoup d’empathie. » – Jean-Guy Campeau
Entendre la méchanceté
La Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) a débuté la couverture des appareils auditifs pour les étudiants alors que M. Campeau était adolescent. « Je me suis mis à entendre plein de choses que je n’entendais pas avant. Ça a été l’émerveillement. Puis, j’ai découvert la méchanceté humaine », raconte-t-il, avec frissons, au journal. Il mentionne que ce changement l’a rendu plus humain. « J’ai eu une meilleure compréhension de la vie. J’ai développé beaucoup d’empathie », décrit le Chamblyen.
À l’université, avec sa condition, il avait droit au service d’un preneur de notes. Il a pourtant reçu une lettre qui ne reconnaissait plus son invalidité. Il perdait les services qui lui étaient attribués. Après avoir défendu sa cause auprès du Protecteur du citoyen, il a retrouvé les services perdus.
Difficile au travail
M. Campeau relate qu’il n’a pas été facile de trouver du travail en raison de sa situation auditive. Il a été embauché par la Société de transport de Montréal (anciennement STCUM) à titre d’étudiant. Il y a lavé des bus pendant trois étés. De fil en aiguille, il est devenu employé régulier et y a connu une carrière de 26 années. « Par contre, à cette époque, il y avait encore peu de diversité dans l’entreprise. Plusieurs personnes n’acceptaient pas de travailler avec moi, elles avaient » peur » de la déficience auditive. Ça n’a pas toujours été facile : je me suis fait traiter d’handicapé et de toutes sortes de noms, mais je suis travaillant et j’ai fait ma place », rappelle le désormais retraité de la Société de transport.
Maison adaptée
La maison de Jean-Guy Campeau est adaptée à ses besoins. Elle est notamment équipée d’un double détecteur de fumée. Quand ça sonne chez lui, des lumières stroboscopiques scintillent. Quand la lumière est verte, c’est la porte; quand elle affiche jaune, c’est le téléphone; au signal du rouge, il faut sortir de la maison. Il est également équipé d’un réveille-matin vibrateur muni d’un son puissant. « Je ne le mets pas pour ma conjointe », assure-t-il en riant. Il souligne que sa maison est fichée au Service incendie, indiquant qu’une personne malentendante y demeure. Il fut un temps, avant que sa maison ne soit connectée en conséquence, où son chat lui indiquait en miaulant que l’on sonnait à la porte.
Impatience et impulsivité
L’incapacité auditive de M. Campeau n’est pas visible. Cela occasionne parfois de l’impatience ou des réponses impulsives de la part de ses interlocuteurs. « Je ne suis plus capable de ça. Ce n’est pas que je ne comprends pas. C’est ma façon de comprendre qui est différente des autres. Comme je dis parfois aux gens, je n’entends pas, mais je vois clair », fait comprendre l’homme qui incite à la patience. Il se dit reconnaissant envers ses congénères qui sont compréhensifs à son endroit.
Lors d’un spectacle d’humour, il s’est déjà fait regarder étrangement parce qu’il comprenait les blagues en différé. « Le temps que je comprenne la joke et que je parte à rire… »
Ajuster selon l’appareil
Bien que retraité de la STM, Jean-Guy Campeau offre encore quelques heures de travail à titre de surveillant à la Ville de Chambly, à l’Écocentre. Ce statut fait en sorte que le gouvernement paie pour ses appareils. Sans quoi, il devrait en payer un des deux. La gamme qu’il utilise coûte environ 4 000 $.
Quand il reçoit une nouvelle paire d’appareils, une réadaptation est nécessaire. « Ça ne vient pas toujours de la même compagnie. Le son n’est pas le même d’une à l’autre. Il faut ajuster », indique M. Campeau. Il rappelle s’être déjà retrouvé avec deux appareils provenant de compagnies différentes dans les oreilles, car celui que payait le gouvernement n’était pas le même qu’il possédait déjà. « J’entendais en double mono. Quelqu’un me parlait et j’avais deux intensités de voix », dépeint-il. Il a environ deux rencontres par année chez son audioprothésiste pour la maintenance de son accessoire.
Fini la gêne
Maintenant, l’homme qui souffre d’une surdité de niveau sévère à profonde n’est plus timide de sa situation. Plus jeune, il a eu les cheveux longs afin de cacher les appareils accrochés à ses oreilles. « Des gens ne parlent pas et endurent. Je trouve ça dommage », termine M. Campeau, qui incite la population à ne pas hésiter à consulter au moindre doute.