Chambly : en immersion au sein de la Place Albani
Les habitants des immeubles situés Place Albani, à Chambly, font face à des situations quotidiennes parfois difficiles. Certains nous ont ouvert leur porte.
« Bienvenue dans le ghetto. » Dans son trois et demie situé au 1, Place Albani à Chambly, Gilbert (prénom fictif) sourit de l’image donnée à son quartier. « On est catégorisés quand on vit ici. J’ai entendu beaucoup de rumeurs sur mes nouveaux voisins lorsque je suis arrivé l’année dernière, mais je n’y ai pas prêté attention. »
Première constatation, la porte d’entrée du premier immeuble n’est pas barrée, laissant la possibilité à quiconque d’accéder aux cages d’escaliers pour possiblement les squatter. La porte à peine franchie, une odeur de tabac froid inonde le couloir. Au deuxième étage, Gilbert ouvre les portes de son trois et demie. Locataire depuis un an, il se plaint d’abord de sa salle de bain.
« Le scellant entre le plancher et le mur n’existe pas, explique-t-il en allant chercher un bout de papier à l’endroit précis. C’est juste du papier toilette. L’aération est aussi brisée. »
Travaux selon le budget
Dans l’immeuble derrière, Marianne (prénom fictif) se plaint de moisissures. En inspectant son logement, on s’aperçoit que le plancher se lève facilement, laissant entrevoir des traces suspectes. Le mur de la salle de bain en possède aussi. Sur la table de la cuisine, une ordonnance du médecin, posée sur d’autres, demande un diagnostic de la qualité de l’air de son appartement. Dans le salon, un purificateur d’air et un humidificateur tournent en continu. « Une inspectrice est venue faire un diagnostic concernant l’état de moisissure et estime qu’il est négatif, explique-t-elle. J’éprouve pourtant des problèmes respiratoires depuis que je suis ici. »
La semaine dernière, quelques enfants jouaient avec leur luge sur un monticule de neige devant les immeubles. Pour Marianne, le jardin est moins fréquenté pour jouer lors des beaux jours. « Des bouteilles de vin, parfois en partie remplies, des cannettes de bière, voire des sachets de cocaïne jonchent le sol. Des fêtes peuvent se dérouler jusqu’à tard dans la nuit en pleine semaine. La police vient souvent, et une explosion a eu lieu dans un appartement l’été dernier. Mais on n’a jamais connu les raisons. C’est difficile, car ce ne sont pas juste que des mauvaises personnes qui vivent ici. »
Le manque d’appartements sociaux au Québec en général, et aussi à Chambly, incite certains locataires à faire preuve de compétition pour obtenir le meilleur logement possible. « J’ai réussi à avoir mon logement grâce à une association, explique Sébastien (prénom fictif). Sinon, je ne pouvais pas y venir. »
Des besoins importants
Les relations avec l’administration nourrissent de nombreux commentaires de la part de tous les résidents, surtout concernant les réparations des logements. « Cela se fait par ordre d’importance des sinistres, confie Sébastien. Parfois, cela demande du temps à cause du manque de budget. Mais de mon côté, je ne me plains pas, l’administration a toujours réagi rapidement avec moi. »
Interpelée lors de la dernière assemblée municipale sur les conditions de vie du côté de la Place Albani, la mairesse, Alexandra Labbé, a tenu à tempérer la situation. « C’est sûr que ces immeubles ont des besoins évidents, mais on ne peut pas parler de ghetto. Il existe une belle mixité sociale dans ce quartier. Si l’on compare la situation de la Place Albani à d’autres, nous n’avons pas de logement placardé ni de problème de moisissure. Le problème est qu’il y a trop de demandes par rapport aux appartements disponibles et on ne peut pas faire de miracle. »
Catherine Fontaine, directrice générale de l’Office municipal d’habitation (OMH) de Chambly, donne son avis sur la Place Albani.
« Personne n’est sans savoir que la Place Albani est un point chaud à Chambly. Nous travaillons d’ailleurs avec la police communautaire et une travailleuse de rue, cela facilite grandement les choses. Par contre, je crois qu’il est important de ne pas classer tous les locataires de ce projet dans le même panier. Bien que nous y trouvions quelques résidents qui sont problématiques, ceux-ci ne représentent qu’un faible pourcentage des habitants d’Albani. »
Concernant le rôle de l’OMH dans ce contexte, la directrice explique le fonctionnement. « Nos bâtiments à la Place Albani datent de 1971. Donc, en effet, nous effectuons chaque année des rénovations en fonction des budgets qui nous sont accordés par la SHQ. Pour ne citer que quelques exemples, l’an passé sur ce projet, nous avons remplacé l’éclairage intérieur de deux bâtiments, refait le revêtement de plancher d’espace commun et de certains logements, ainsi que procédé à la rénovation de salles de bain et de cuisines. Pour 2025, le budget approuvé à ce jour nous permettra de faire d’autres travaux dans les aires communes des bâtiments, de faire des remises à neuf de logements ainsi que de changer plusieurs chauffe-eaux. »