Chambly : des magasins de vapotage veulent voir la loi contre les saveurs appliquée à tous
Jean-Paul Racine, propriétaire de La Vape du Fort à Chambly, s’insurge, comme le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS), contre le non-respect de la loi sur l’interdiction de la vente des saveurs en vapotage au Québec
« C’est de la concurrence déloyale et en même temps, je me dis qu’un jour, ils vont se faire prendre. » Pour le propriétaire de La Vape du Fort, Jean-Paul Racine, l’interdiction de la vente des saveurs dans son établissement lui a causé de lourdes pertes financières.
Alors qu’il explique être très attentif au respect des normes dans son commerce, il regrette de voir toujours en circulation au Québec ces saveurs pour le vapotage, malgré leur interdiction. « Le Canada a un projet de loi pour interdire les saveurs sur l’ensemble du territoire et je le souhaite. Si les saveurs de vapotage sont interdites partout sur le territoire, on n’en retrouvera pas, ni sur les sites ontariens, ni dans les réserves. Cela me permettrait de retrouver quelques clients, parce que j’en ai perdu beaucoup. »
Comme le CQTS, M. Racine n’a pas de problème avec les inspections dans les magasins spécialisés, mais il souhaiterait plus de ressources, surtout dans un grand nombre d’endroits au Québec où la vente de saveurs se fait de manière illégale. « Dans mon cas, avec les réserves qui se trouvent à 30 minutes, les jeunes, ceux âgés de 18 à 25 ans qui utilisent la vapoteuse jetable, vont y chercher et trouver des saveurs. Les clients réguliers, surtout ceux qui prenaient les saveurs de tabac, n’ont pas changé leurs habitudes et continuent à fréquenter mon établissement. Par contre, les prix ont beaucoup augmenté. Pour chaque produit acheté, cela me coûte plus cher de taxes que de produit. »
Les lieux d’approvisionnement
Le CQTS a mandaté une étude Léger, au printemps 2024, pour mieux comprendre les habitudes de consommation des jeunes. Au total, 1 506 jeunes ont dûment rempli le questionnaire (1 386 à partir du panel d’internautes de Léger et 120 par le biais de la campagne Hard-to-Reach). La collecte de données s’est déroulée du 1er au 22 mai 2024 inclusivement, avec une marge d’erreur de 2,5 %.
Le bilan relié à la popularité du vapotage, surtout auprès des adolescents, est inquiétant. Selon l’étude, « malgré l’interdiction en vigueur, 62 % des jeunes ayant consommé la vape au cours des six derniers mois disent avoir vapoté des liquides avec saveur ».
Les jeunes qui se procurent eux-mêmes des produits de vapotage avec saveurs les achètent sur des sites Internet (13 %), au dépanneur (12 %), sur les réseaux sociaux (9 %) et dans des magasins spécialisés (8 %).
M. Racine s’appuie d’ailleurs sur l’étude pour dire que « les saveurs sont vendues de manière illégale dans 8 % des boutiques spécialisées. On peut dire que c’est une source marginale du problème, pourtant, on cible tous les contrôles auprès d’eux. Pourquoi ne pas faire comme en Ontario? Ils ont interdit la vente des produits du vapotage dans tous les dépanneurs, à l’exception des boutiques spécialisées. Le contrôle serait plus facile à faire. Aujourd’hui, au Québec, on peut vendre des produits de vapotage dans à peu près tous les commerces. Et à cela j’ajoute que les boutiques spécialisées sont bien plus informées de la règlementation en vigueur, donc plus aptes à les appliquer ».
La Vape du Fort, qui indique honorer la règlementation, doit payer pour ceux qui ne la respectent pas. Depuis l’interdiction des saveurs, l’entreprise, qui commence à proposer d’autres services, indique avoir perdu au moins 50 % de ses revenus de vapotage. « Beaucoup de commerces, qui ont pignon sur rue et qui sont légaux, ont fermé », conclut-il.
Des autorités alertées
Dans une lettre, adressée il y a six mois au ministre de la Santé et à celui des Finances du Québec, qui a aussi été envoyée aux fonctionnaires de Santé Canada et aux attachés politiques de la ministre fédérale des Dépendances, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT) fait le point sur l’éventail de stratégies de contournement du règlement entré en vigueur le 31 octobre 2023 et a proposé une série de mesures administratives, réglementaires et législatives qui pourraient rectifier la situation.
« Il est clair que face au contournement éhonté de l’interdiction des saveurs par des joueurs commerciaux dits » légaux », l’État doit non seulement effectuer un travail rigoureux d’inspection et de poursuites, mais il devrait aussi faire usage des mesures correctives à sa disposition pour pallier le manque de contrôles quant aux diverses entités impliquées dans le commerce des produits de vapotage », de conclure Flory Doucas, porte-parole de la CQCT.