« C’est du jamais-vu! »

Les agriculteurs de Rougemont font face à des épisodes inédits de gel nocturne. Pour sauver leurs fruits et légumes, ils doivent faire preuve d’ingéniosité.

Les repos sont de courte durée pour Philippe Beauregard. Comme d’autres agriculteurs de Rougemont, il a passé plusieurs nuits, dont trois consécutives, à sauver sa récolte du gel. « Les risques de gel sont habituels à cette époque de l’année, explique-t-il. Sauf que cette fois, ils sont d’une intensité rare! C’est du jamais-vu! Dans la nuit du 17 au 18 mai, la température a baissé jusqu’à -8 degrés au sol! Dix heures de gel, c’est un gros risque! Cela dure depuis une dizaine de jours. »

« Quand la température chute à des niveaux comme récemment, il faut trouver un moyen pour réchauffer la terre. On est en mode survie! » – Philippe Beauregard

La température de la terre où poussent les futurs bleuets, fraises ou pommes est plus froide que l’atmosphère ambiante. L’agriculteur l’explique. « L’air froid provenant de la montagne est pesant et vient se loger sur la terre. Il a été pire qu’annoncé. Dès 22 heures, la température chute au niveau des plants. Les futurs fruits sont en danger à environ moins deux degrés. Alors, quand la température chute à des niveaux comme récemment, il faut trouver un moyen pour réchauffer la terre. On est en mode survie! »

Un combat

La nuit tombée, Philippe Beauregard et son collègue s’emploient à déployer tous les stratagèmes pour permettre aux fleurs de rester en vie. « Il faut se battre! Nous avons des bâches thermiques qui permettent de gagner deux degrés, mais ce n’est pas assez. J’ai vu certains agriculteurs faire de petits feux pour que la fumée stoppe la vague de froid au moment de toucher le sol. Cela a marché pour certains, mais pas tous. Les tactiques fonctionnent selon les endroits. »

Trouver des solutions

Concernant le Potager Mont-Rouge, propriété de Philippe Beauregard et de sa sœur Marjolaine depuis 2016, l’irrigation a fait partie des solutions. « L’eau a permis d’éviter le gel des plants, poursuit-il. Mais c’est un procédé qu’il faut maîtriser. À savoir que nous consommons mille gallons d’eau à la minute pour quatre hectares! Un agronome m’a dit que j’étais chanceux, car certains agriculteurs se sont retrouvés sans eau au milieu de la nuit. Et à ce niveau, vous gelez tout votre champ! Il faut vérifier si tout fonctionne en permanence. Certains ont même utilisé un hélicoptère pour tenter de réchauffer leurs cultures, mais ils ont juste propulsé de l’air froid. Parfois, il faut improviser des solutions, car la décision se prend à la dernière minute. »

Des pertes à prévoir

L’été approchant, la situation devrait se calmer. Les calculs ont déjà commencé. « On ne connaît pas encore précisément l’impact du gel sur les pertes, confie Philippe Beauregard. Me concernant, cela devrait être de l’ordre de 20 % ou 30 %. Les plants annuels tels que les tomates et les concombres arriveront en retard d’une semaine. Nous ne pouvions pas vendre nos asperges en l’état, alors nous en avons fait une crème et tout a été vendu! »

Malgré les difficultés, le professionnel garde le sourire. « Je reste tout de même optimiste pour la saison qui arrive. Le moral est bon, car le gel a touché tout le monde, on est sur un pied d’égalité. Car parfois, on peut être le seul champ du secteur à avoir été touché par la grêle et être le seul à avoir une récolte perdue. Mais ce sont les risques du métier. Mes parents sont dans l’activité depuis 1985 et ils n’avaient jamais vu une crise de gel pareille. Peut-être que nous n’en reverrons jamais. C’était vraiment fort! »