Au coeur de la chasse
La chasse aux oiseaux migrateurs est ouverte. Un groupe de chasseurs sillonne les bords du Richelieu pour intercepter le flux migratoire des outardes. Nous les avons suivis l’espace d’une matinée.
Jeudi matin 5h, le thermomètre ne dépasse pas les dix degrés. « C’est un temps parfait pour chasser! De plus, la première neige au Labrador a donné un coup de boost supplémentaire pour faire venir davantage d’oiseaux vers le Québec! », assure Dave Sicotte. Le guide du service M&M a réalisé une prospection dans la campagne de Montérégie, c’est-à-dire repérer un endroit intéressant pour chasser les outardes avec la permission du propriétaire, le plus souvent un agriculteur. « L’idéal est de trouver un champs proche d’un plan d’eau », précise le chasseur Alexis Vaillancourt. « Voilà pourquoi on se retrouve souvent aux abords du Richelieu, de Varennes à Chambly. Et nous venons le matin car les outardes préfèrent se déplacer quand il fait frais. Elles se reposent l’après-midi. »
« Au même titre que pour les chevreuils, par exemple, nous servons de régulateurs pour éviter la propagation de maladies» – Damien Berger
Qualité de la viande
Le soleil se lève et les onze chasseurs, qui ont payé 250$ chacun pour participer, prennent place dans la cage. Une fois les outardes repérées dans le ciel, tous se camouflent, baissent la tête et font silence. Dave Sicotte et son collègue Maxime Gagnon réalisent un « call », c’est-à-dire actionnent leurs appeaux afin que les cibles traversent le champs le vent de face. Une fois le « go » donné, les trappes de la cage se baissent et les chasseurs font feu! La première salve est encourageante mais la deuxième est un véritable succès : une douzaine d’outardes ont déjà été capturées : « On peut en faire des tourtières, de la smoked meat ou même réaliser des cuisses confites », sourit Alexis Vaillancourt. « On donne notre viande à une boucherie qui se charge de cuisiner. »
81 outardes
La chasse se poursuit et les onze compères capturent au final 81 outardes en trois heures, un nombre conforme aux exigences fédérales qui limitent le nombre de bêtes à 10 par personne en cette période de début de saison. Certaines même sont baguées, ce qui permettra à l’auteur du coup de feu de bénéficier d’un certificat en ligne retraçant le parcours de l’animal : « C’est une bonne chasse comme sept fois sur dix », se réjouit Damien Berger. « 85% de la viande que je consomme vient de ma chasse. Au moins, je sais d’où elle vient et elle n’est pas transformée. On fait aussi plaisir autour de nous si certains nous passent commande. Il arrive même que nous en donnons à des œuvres caritatives. »
Mauvaise image
Les chasseurs traînent une image d’assassins chez certains. Une idée que rejette Damien Berger : « Les agriculteurs sont bien souvent contents de nous voir. Les outardes sont considérées comme des nuisibles car elles dévorent tout sur les champs et leurs excréments peuvent polluer les récoltes. Au même titre que pour les chevreuils, par exemple, nous servons de régulateurs pour éviter la propagation de maladies. » Passionné de chasse à l’automne comme en hiver, il poursuit sa logique : « Nous avons beaucoup de codes dans notre domaine. On fait du covoiturage pour éviter que les voitures abîment le champs, on nettoie tous nos déchets à la fin… On respecte la nature. On paie même un permis au provincial et au fédéral pour pouvoir chasser. Cet argent est réinvesti dans la recherche et la conservation de l’espèce. Qui d’autre dans la société verse de l’argent pour la préservation de la faune et la flore? »